Cette période marqua un affaiblissement des organisations de marchands et des relations de type féodal mais aussi une plus grande mixité sociale entre marchands et guerriers qui se situaient aux extrémités de la hiérarchie sociale (
shi-no-kô-shô) imposée par les Tokugawa. Il s'ensuivit une influence réciproque de l'éthique samurai sur l'élite de la classe des marchands qui transmettront leur réalisme et leur hédonisme à l'aristocratie. Ce rapprochement social associé à une esthétique originale (peinture, estampes, littérature, théâtre, naissance des concepts iki et tsû) forma la marque de la culture d'Edo.

QUARTIERS DE PLAISIR
Yoshiwara était le quartier le plus célèbre et connut son apogée sous l'ère Genroku; en 1720, 2000 filles y vivaient. La culture populaire et l'esprit d'Edo doivent beaucoup à ce quartier de plaisir qui fut un thème inépuisable pour le théâtre kabuki, les graveurs d'estampes et les écrivains. Yoshiwara était "the place to be" et l'avant-garde de tout ce que regroupait le monde intellectuel de l'époque se devait d'y apparaître. Des share-bon, ces livrets plaisants qui en dévoilaient les ressorts secrets et magnifiaient le iki, la maîtrise de l'élégance sobre, et le tsû, l'aisance qu'autorise la connaissance très sûre de l'étiquette, apparurent au milieu du 18e siècle et décrivaient les manières, les vêtements et les personnages des lieux.
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Scènes de Yoshiwara (paravent) 18e siècle.
Sous les Tokugawa, des quartiers réservés aux maisons closes (yûkaku) furent aménagés systématiquement dans les villes pour assurer le contrôle de la société. Les maisons closes licenciées furent regroupées et entourées d'enceintes et de fossés afin d'empêcher les mauvais payeurs et les prostituées de s'enfuir. La plupart d'entre elles avaient été vendues dans leur enfance (vers 5-6 ans) et elles devenaient kamuro pendant leur apprentissage. Vers 14-15 ans, si elles montraient des dispositions pour devenir une bonne courtisane, elle était formée et initiée par sa maîtresse.
Les courtisanes de haut rang (tayû) recevaient une éducation artistique et littéraire extrêmement raffinée qui dépassait largement celle des filles de bonne famille et qui en faisait les femmes les plus cultivées et instruites de l'époque. Elles maîtrisaient parfaitement de nombreux domaines: art du chant et de la danse, art du thé, des fleurs, de l'encens, de la poésie, de la calligraphie, du jeu de go et des échecs. Elles pouvaient également réciter les textes classiques japonais et lire couramment les classiques chinois. Parmi leurs clients, des daimyô (incognito), des ministres, de riches marchands, des notables de province. Tous les clients capables de payer leurs tarifs élevés étaient susceptibles de les rencontrer.
Ces quartiers
yûkaku étaient les seuls endroits de la société où les distinctions des statuts sociaux n'avaient pas cours ce qui en faisait aussi des lieux de création littéraire et artistique où se faisaient et se défaisaient les modes.
La prostitution masculine fut particulièrement florissante vers 1764-80 et les très jeunes garçons (
yarô) exerçaient dans des "maisons" appelées kodomoya (maisons d'enfants) qui attiraient principalement les membres de la classe militaire et du clergé bouddhique. Ils copiaient les manières des femmes, se noircissaient les dents et se paraient de luxueux kimonos et obi en adoptant des attitudes efféminées.
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Oiran dôchû: tayû avec ses assistantes kamuro, son apprentie (shinzô) et le personnel des okiya (maisons closes) et des chaya (maisons de thé). Les oiran, aux compétences inégalées et classées selon leur beauté et leur savoir-faire étaient traitées comme des princesses, pouvant choisir leurs clients dans les rangs les plus élevés de la cour, de la noblesse et des samourai.

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Kôryûsai, 1776

Lorsque la tayû désignée par son client se rendait dans la maison de thé où il l'attendait, elle se préparait à la rencontre et revêtait plusieurs kimonos d'un luxe extrême, somptueusement brodés et décorés, maintenus fermés par un obi volumineux fermé sur le devant. Sa coiffure complexe comportait de nombreux accessoires. Avec ses socques (geta) surélevées qui gênaient la marche, elle adoptait une démarche caractéristique en formant un arrondi vers l'extérieur à chaque pas avec chaque fois un temps d'arrêt. Elle se déplaçait en cortège avec ses assistantes et du personnel dans la rue principale du Yoshiwara et c'est ce moment que l'on nommait oiran-dôchû.
Une simple rencontre coûtait environ 2500-3000 euros (en 1734) et à la suite de trois rencontres (obligatoires) où la courtisane ne parlait quasiment pas, elle faisait savoir si le client lui convenait.
La culture
tayû très onéreuse, extrêment ritualisée et qui mettait à mal la patience des clients déclina peu à peu au début du 18e siècle. Des oiran de rang légèrement inférieur les remplacèrent.
Cependant, à l'instar des fleurs de cerisiers qui fanent et tombent rapidement, la vie professionnelle de ces jeunes femmes s'achevait très tôt et dès qu'elles dépassaient la vingtaine (28 ans selon les auteurs), quand elles avaient de la chance, elles pouvaient emprunter auprès de prêteurs pour se racheter à leur tenancier et retourner dans leur famille mais celles qui restaient dans le quartier finissaient dans la misère tentant de gagner leur vie par une prostitution ordinaire au fond de sombres ruelles.
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Une geisha en kimono sombre portant son shamisen et une courtisane se rendent à une soirée.

Au 17e siècle, les geisha, (littéralement "qui possède un art") désignaient des hommes (otoko-geisha), joueurs de flûte et de tambour qui divertissaient les clients dans les quartiers et étaient souvent accompagnés de danseuses-musiciennes. Peu à peu, les clients préférèrent ces femmes qui adoptèrent alors des noms et un style vestimentaire masculins pour détourner la loi leur interdisant de se prostituer. Ces femmes (onna-geisha), instruites dans la musique et la danse égayaient les parties de plaisir dans les maisons des quartiers réservés. À partir des années 1751-1764, seules les femmes furent appelées geisha. Elles étaient en général issues de familles pauvres, achetées par des employeurs qui les utilisaient comme domestiques tout en leur enseignant la danse et l'art du shamisen. Une fois établies, elles versaient une partie de leurs gains à leur employeur. Elles ne pouvaient faire commerce que de leurs talents artistiques mais se livraient parfois à la prostitution en dépit de la loi shôgunale.
KABUKI
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Les Tokugawa considéraient le théâtre kabuki comme un mal nécessaire au même titre que les quartiers de plaisir. Cette forme artistique contestataire exprimait le mieux les goûts et les valeurs de la classe marchande. Au départ ce fut un spectacle dansé par des actrices puis des acteurs qui pouvaient se livrer à la prostitution. Le public exigeant adulaient les acteurs qui avaient leurs "fans clubs". Ceux-ci exercèrent une influence considérable sur les moeurs et surtout sur les modes de l'époque d'Edo. Il suffisait que l'un d'eux arbore une nouveauté vestimentaire sur scène pour qu'aussitôt la mode se répande à vive allure parmi toutes les jeunes filles.
Le motif à petits carreaux réguliers "
ichimatsu moyô" fut lancé par l'acteur onnagata (rôle féminin) Sanogawa Ichimatsu en 1741 et connut un immense succès.
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Un autre motif, mis en vogue par l'acteur de kabuki Arashi Koroku en 1747, fut le koroku-zome, composé de rayures obliques blanches et rouges, très vite adopté par les jeunes femmes de conditions diverses.
CHANGEMENT DE STYLE: CHIC ET COOL (1751-1772)
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Vers 1750, une mode originale et propre à Edo commença à se développer. Lorsque les grandes courtisanes de Yoshiwara n'attiraient plus guère les clients et commencèrent à disparaître, des quartiers non officiels et illégaux furent davantage prisés par la clientèle. Des maisons de thé plus abordables se multiplièrent comme jamais entre le milieu et la fin du 18e siècle, dans les faubourgs d'Edo, à l'entrée des temples et des sanctuaires, lieux de rassemblements de nombreux pèlerins et donc, de clients potentiels. Ces maisons non officielles où travaillaient des serveuses et des prostituées occasionnelles non licenciées connurent alors un engouement exceptionnel.
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Les serveuses des maisons de thé chaya avec leurs tenues aux motifs plus sobres et leurs tabliers caractéristiques ont détrôné pour un temps les somptueuses oiran (à droite).
Ce ne sont désormais plus les courtisanes de haut rang qui font les modes mais les jeunes serveuses qui rivalisent de beauté entre elles ce qui a pour effet de voir émerger de nouveaux styles de coiffures (plus relevées et maintenues par des kanzashi) et de kimonos (avec des motifs plus discrets disposés au niveau de l'ourlet). Les représentations teintes ou brodées en «tableaux» des kosode sont abandonnées au profit de motifs géométriques (rayures, carreaux) dans des matières simples mais élégantes qui remplacent les luxueux tissages et teintures. On laisse apparaître des sous-kimonos plus clairs par l’ouverture des manches et sur le devant, traduisant ainsi une certaine image érotique de la femme. Le obi se rallonge et se porte alors très large (jusqu'à 38 cm) et très haut, donnant lieu à une créativité nouvelle dans la manière de le nouer. Les sandales de paille tressée (zôri) sont remplacées par de hautes geta (ashida) ou des setta plates et remportent un franc succès auprès de tous. Certaines de ces serveuses connurent la célébrité (Osen, Ofuji, Onami, Onatsu) et furent aussi les modèles préférés du peintre Suzuki Harunobu qui révolutionna l'image de la féminité en accentuant encore les tendances à la grâce et à la délicatesse instaurées par Nishikawa Sukenobu.
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Au cours des années 1760-70, hommes et femmes sans distinction portaient alors une sorte de petite capeline de forme particulière, souvent noire en soie, qui recouvrait la tête (okoso-zukin) et le haut du corps. Les capes portées sur le kimono pour se protéger du froid et de la pluie commencèrent à être appréciées aussi et annonçaient le futur coat. Parmi les bushi les haori noirs en taffetas habutae étaient en vogue et leur longueur variait selon les modes du moment.
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Le petit motif kamezô-moyô, lancé en 1760 par l'acteur Ichikawa Kamezô se voit sur les kosode, les tabliers (maedare) etc… et figure des tourbillons d'eau.
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ÉPANOUISSEMENT DE LA CULTURE D'EDO (1772-1801)
Dans un contexte d'urbanisation rapide associée à un essor de l'éducation, la culture d'Edo, qui devait plus aux marchands, aux artisans et au petit peuple des villes qu'aux samurai prit de l'ampleur avec un ensemble de courants artistiques qui se développèrent grâce à ses créateurs et à une demande sans précédent d'un public d'amateurs (artisanat, livres, théâtre, estampes et mode).
Cette mentalité urbaine donna naissance à la figure de l'enfant d'Edo (
edokko), l'habitant de souche, originaire de la ville basse (shitamachi), caractérisé par son irrévérence, son goût des plaisirs et de l'instant présent, élégant et raffiné et méprisant la grossièreté des samurai.
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D'après la série de 16 portraits (江戸風俗図巻) réalisés par Kitao Masanobu (Santô Kyôden) en 1793 (collage).
Ici, (en partant de la gauche), un commis chez un marchand de kimonos, un commerçant aisé dans une tenue tendance aux couleurs en vogue, un fils de bourgeois dans un kimono rayé en pongé de soie, une servante de maison de thé avec son plateau à la main et son tablier (maedara) qui est devenu le symbole de cette profession.
Les couleurs de la fin de cette période se présentaient dans des gamme de nuances sobres et sombres: noir, gris, indigo, kaki, marron dans tous leurs dégradés, brun noir, bleu-vert (
asanegi-iro), bleu-vert foncé (nando-iro), bleu, les associations marron-bleu etc… Parmi les principaux tissus utilisés, citons la soie, le pongé de soie (tsumugi) et les tissages de coton de luxe le plus souvent décorés de motifs rayés ou de petits motifs répétitifs de type komon. 
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D'après la série de 16 portraits (江戸風俗図巻) réalisés par Kitao Masanobu (Santô Kyôden) en 1793 (collage).
À partir de la gauche: une jeune fille de bonne famille en
furisode (kimono à manches longues), une citadine en kimono rayé à la mode et obi large (une deuxième ceinture de dessous, shigoki obi était indispensable pour maintenir le kimono à bonne hauteur). Le obi noué à l'arrière était populaire mais les femmes mariées et les filles de joie pouvaient encore le nouer à l'avant comme autrefois. En kimono rayé bleu ciel, une employée de boutique affairée regarde un homme aisé et oisif, habitué des quartiers de plaisirs, avec leurs codes et leur esthétique, dans une tenue très élégante (haori noir sur un kimono d'apparence ordinaire mais doublé de soie rouge avec un motif en feuilles de lin et en-dessous, on entrevoit un juban aux motifs teints). À sa droite, un hôkan, un amuseur qui distrait les clients lors de banquets tient un petit tambour emballé. La forme des manches des vêtements masculins se modifia vers 1762 et l'arrondi du bas fut remplacé par une coupe rectangulaire qui est toujours d'actualité.
RAYURES
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Les motifs rayés (suji-moyô), déjà en vogue au début de l'époque d'Edo, se résumaient à des rayures horizontales orisuji (jusque dans les années 1751-64) ou à des motifs à carreaux qui mêlaient rayures horizontales et verticales. Les rayures verticales seules, lourdes de sens, désignaient les plus souvent des filles de joie.
De plus, dans un texte destiné aux
bushi de la fin de l'époque de Muromachi (宗吾大奴紙 Sôgo ôzôshi), il était mentionné que les tissus à rayures étaient réservées aux gens des plus basses conditions et que les personnes de rang élevé ne devaient en aucun cas en faire usage même en sous-vêtement.
La perception de ce motif évolua au cours de la deuxième moitié du 18e siècle (1764-72) avec la création de très nombreux modèles (
daimyôshima, takishima,, mansuji…) si bien que les rayures verticales devinrent à la mode pour tout le monde, ceci probablement pour répondre à des critères esthétiques en vogue qui renvoyaient à une image de la femme élancée et longiligne, telles qu'elles sont représentées sur les estampes de l'époque (Kiyonaga).
Pour en savoir plus sur les rayures en Europe, voir L'étoffe du diable, Michel Pastoureau
L'image féminine a changé et un nouveau type de beauté émerge, presqu'à l'opposé de la beauté imposante des courtisanes de Moronobu ou de l'école Kaigetsudô, avec un autre artiste, l'illustrateur Suzuki Harunobu qui montra une conception très personnelle de la beauté féminine. Il préféra en effet une jeune femme jeune et cultivée aux attitudes empreintes de grâce, de délicatesse et de fraîcheur. De plus, comme les Japonais se sont toujours montrés très sensibles à la beauté des tissus, l'ukiyo-e (estampe) qui reflétait les goûts de la société urbaine du moment devait forcément produire des gravures illustrant cet intérêt. Les oeuvres des Kaigetsudô avaient déjà brillamment exploité le sujet avec leur bijin-ga.
Les
obi se transformèrent également et devinrent plus longs et plus larges (jusqu'à 38 cm). Ils s'imposèrent aussi en tant qu'accessoires à part entière, indispensables et décoratifs, pouvant se nouer dans le dos ou à l'avant (après 1764). Une deuxième ceinture étroite placée juste sous le obi maintenait le kosode replié à bonne hauteur pour permettre une marche aisée (koshi-obi).
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Les nombreuses lois somptuaires appliquées au style de vie des chônin au cours des 18e et 19e siècles furent à l'origine de biens des changements, notamment vestimentaires, et les bijin (belles femmes) de Torii Kiyonaga avec leurs toilettes à rayures ou à petits motifs komon dans des nuances plus sombres reflétaient parfaitement cette esthétique sobre jimi et élégante caractéristique du style d'Edo. Les manches des furisode se sont arrondies et ont rallongé (jusqu'à 1,13 m).
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Torii Kiyonaga, 1784, Crépuscule d'été au bord de la rivière Sumida
Kiyonaga révolutionna le concept de beauté féminine en allongeant et en affinant les silhouettes qui s'imposèrent alors comme des références, sans parler de la splendeur des kosode qui les magnifiaient.

KIMONOS DE LA CLASSE BOURGEOISE
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Beauté promenant un chien, Gion Seitoku (1815). Pieds nus, sourcils pas épilés, dents noircies: il s'agit bien là d'une courtisane qui porte un ura-moyô kosode.
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Beauté en tsuma-moyô kosode fermé par un volumineux obi noué à l'avant (bunko-musubi).
De 1750 à 1850, suite au contexte économique et à la promulgation des lois somptuaires, le kimono se simplifia dans ses motifs et ses techniques, en réaction au plein épanouissement de l'époque Genroku. Les kosode éblouissants sont ainsi délaissés pour un style iki, mêlant à la fois sobriété et sophistication, qui bouleversa complètement les valeurs esthétiques en vogue jusqu'alors.
De plus, l'intérêt croissant de cette époque pour le
obi joua un rôle significatif dans le décor du kosode. L'utilisation de obi très larges allait favoriser la tendance à diviser le kosode en zones distinctes, supérieure et inférieure, qui eut pour effet de cantonner les motifs sur les bordures (exception faite pour le uchikake et le furisode).
Au cours de la seconde moitié du 18e siècle, vers 1765, la mode était aux motifs répartis sur la totalité de la surface du kosode (so-moyou) ou aux motifs discrets sur la moitié inférieure pour former une bande plus ou moins large au niveau de l'ourlet du kimono et/ou à l'intérieur sur la doublure (suso-moyô, tsuma-moyô, ura-moyô). Vers 1768-69, les doublures rouge vif (beni) sont peu à peu remplacées par des doublures violet foncé ou noires. Cette préférence des femmes de la classe marchande fit évoluer et changer les styles: le chic se porta désormais avec sobriété jusqu'au milieu du 19e siècle.
À cette époque, lorsque les femmes de la riche bourgeoisie et de la classe des samurai restaient chez elles, elles portaient leur
kosode très long (hikisusô) fermé au niveau de la taille par un obi mais laissant la partie inférieure légèrement entrouverte sur le devant et former une sorte de traîne dans le dos où l'on pouvait admirer les motifs en continuité. Le bas des deux pans avant était alors visible même de dos. Lorsqu'elles sortaient, elles n'avaient pas d'autres solutions que de maintenir leur kosode relevé pour pouvoir marcher. Cette habitude commença dans les années 1735, une période où les vêtements (uchikake, kosode) ont vu leur longueur considérablement augmenter (environ 15 et 20 cm). Seules les femmes de basse condition et les servantes portaient leur kosode ajustés à leur hauteur.
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SUSO-MOYÔ

Les motifs sont disposés en fresque parallèlement à l'ourlet sur une hauteur qui varie selon la largeur du obi (c'est le tomesode actuel).

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URA-MOYÔ

À la fin du 18e siècle (1789-1801), un nouveau style (ura-moyô) vit les motifs du bas des suso-moyô kosode se prolonger sur l'envers au niveau de l'ourlet de manière à être visibles lors de la marche.Les motifs présents à l'extérieur se prolongent jusqu'à l'intérieur du kimono sur la bordure inférieure et sur les côtés sur une largeur qui varie. Les motifs deviennent donc visibles à chaque mouvement et lors de la marche.

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TSUMA-MOYÔ

Les motifs partent du milieu de l'ourlet du dos et migrent de chaque côté en remontant vers l'avant avec un accent sur le design des deux pans de l'avant. La disposition des motifs peut présenter quelques variantes selon les modes avec des motifs minimalistes sur le devant ou dans le dos. Si les motifs se prolongent jusqu'au col plus ou moins haut, il s'agit d'un shimabara tsuma-moyô.

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Suso-moyô kosode en soie rouge foncé orné de branches de cerisiers qui changent avec les saisons (de la floraison à gauche jusqu'aux branches recouvertes de neige à droite).
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Le kimono est pratiquement uni alors que les bords internes sont ornés autour de la doublure. Tous les ura-moyô kosode ne sont pas aussi somptueux. Cette mode se poursuivra jusque dans les années 1870-90.
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Tsuma-moyô kosode ornés de motifs teints selon le procédé shiro-age sur soie chirimen
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Dans un style très différent, courtisane et geisha portent des kosode en vogue, ornés seulement au niveau de l'ourlet. Le kimono de gauche (courtisane) arbore des motifs qui montent assez haut et jusque sur la doublure (ura-moyô). Le kosode sombre de la geisha offre un contraste flagrant avec juste quelques motifs discrets sur le bas (suso-moyô) dans un style minimaliste.
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Au milieu du 18e siècle, lassées des teintures yûzen colorées et des motifs très élaborés, les citadines montrèrent un intérêt vers un nouveau procédé de teinture, toujours dans un style chic et sobre où de petits motifs laissés blancs sans bordure (qui auraient permis d'y ajouter une coloration) se détachaient sur un fond sombre et uni. Cette technique de teinture sur réserve shiro-age pouvait être associée à des broderies et fut très en vogue à l'époque.
KIMONOS DE LA NOBLESSE DE COUR
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Au quotidien, dans leur résidence, les jeunes femmes de haut rang portaient des tenues de ce style, avec un uchikake orné de broderies sur une robe aigi fermée par un obi de largeur moyenne.
En dehors des situations où le protocole exigeait des tenues officielles, les femmes de l'aristocratie portaient d'ordinaire un kosode avec une préférence pour les motifs floraux et végétaux brodés de grande taille ou pour des paysages représentés en partie seulement, dans un style différent des vues panoramiques qui ornaient les kosode des femmes de bushi.
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Fleurs de paulownia (emblème impérial) et rideaux de bambou misu.

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Uchikake en soie chirimen et motif shôchikubai (pin, bambou, prunier).
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Hitoe en soie d'été ro et motifs situés sur le bas et qui remontent jusqu'aux hanches. Paysage aquatique avec barque qui fait référence au "Genji monogatari".
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Herbes et fleurs d'automne sur fond gris. Kosode d'été où les motifs remontent jusqu'aux hanches (koshidaka). Broderies et teinture shiroage.

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Katabira pour l'été en lin blanc avec motifs floraux teints ou brodés et cristaux de neige.
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Kosode en soie chirimen avec chrysanthèmes et roses trémières brodés et associés à des grues en plein vol.
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Tenue de sortie pour aristocrate mariée: le uchikake brodé en soie chirimen est fermé par une simple cordelette de soie tressée. Un second kimono kazuki lui couvre la tête.
KIMONOS DE L'ÉLITE GUERRIÈRE
Les uchikake ou kosode en satin, en soie ou en lin dont les femmes de guerriers se paraient lorsqu'elles apparaissaient en public ou pour des occasions exceptionnelles étaient toujours rehaussés de broderies et d'applications diverses, uniformément sur toute la surface du vêtement. Les associations de motifs anciens (yûsoku) et contemporains étaient fréquentes avec un goût immodéré pour les paysages élargis associés à des allusions littéraires ou théâtrales et mêlant toutes les techniques connues.
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Furisode orné d'ris et passerelles de bois traités selon le procédé shiro-age sur un fond violet foncé, une référence aux "Contes d'Ise" (Ise-monogatari).
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Broderies de motifs floraux et eau vive occupent la moitié du vêtement en crêpe de soie. Le fond est tissé d'un petit motif arare dans un style qui évoque les kosode de la cour.
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Cerisiers pleureurs, haies de bambou, clématites et iris en teinture yûzen sur crêpe de soie. Les nuages orangés créent un joli contraste avec la délicatesse des autres motifs.
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Katabira pour l'été en lin. Éventails en lames de cyprès, belles de jour et jeunes branches de pin se répartissent l'espace et évoquent un ´pisode du Dit de Genji.
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Des livres brochés à l'ancienne et des mandarines évoquent le Genji monogatari sur un fond rouge. Broderies au fil d'or et teinture shibori.
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Paysage de cascade avec cerisiers et chaumière sur un joli fond uni. Sur l'engawa, on aperçoit un koto.
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Pendant la 2e moitié du 18e siècle, les scènes de la cour impériale du passé et les paysages sont un thème récurent sur les kosode de la classe des bushi. Ils occupent toute la surface du vêtement et sont souvent imaginaires. Les kosode goshodoki étaient portés au château ou dans les résidences par les femmes des dirigeants guerriers mais jamais par les aristocrates (le terme gosho faisant référence au palais impérial peut prêter à confusion). Le détail de ces scènes où apparaissent des pins, des cerisiers, des ruisseaux, des herbes automnales, des résidences entourées de brumes ou de nuages ne sont pas de simples paysages car par l'ajout d'un détail (une fleur, un éventail, un pinceau, un chariot de cour) ils deviennent l'illustration d'un texte de littérature classique ou d'une pièce de no par exemple.
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Les kosode teints selon le procédé chaya-zome n'étaient autorisés qu'aux femmes de l'entourage du shôgun et de l'élite guerrière proche. Ces katabira de lin luxueux (jôfu, qui ressemble à s'y tromper à de la soie) arboraient de larges paysages magnifiquement détaillés et teints à l'indigo. Cette technique de décoration à main levée à la cire en parties réservées d'indigo était la spécialité de la famille Chaya de Kyôto. Les motifs représentaient les mêmes dessins raffinés que ceux des yûzen mais ne connurent jamais le même succès populaire.
KIMONOS DE LA HAUTE BOURGEOISIE
Les kimonos de la haute bourgeoisie montrèrent des changements notables où se mêlaient tradition et nouveauté. Jusqu'à présent, la soie chirimen était la plus utilisée mais les femmes lui préférèrent le satin. Pour ce qui est des techniques ornementales, elles furent toutes utilisées sans distinction shibori, broderies, teinture yûzen et dessin kaki-e etc… pour un résultat exceptionnel. Le choix des couleurs et des motifs classiques de bon augure (pin, bambou, fleurs de prunier, boîtes à coquillages, rideaux de bambou, éventails en cyprès, phoenix, oiseaux…) contrastait avec les motifs des kimonos des citadins de la classe moyenne mais ressemblait beaucoup aux kimonos des femme de l'élite militaire.
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BALADE À EDO
Les estampes (ukiyo-e) de portraits féminins d'une beauté exceptionnelle connaissent alors une grande popularité et donnent une idée précise d'une mode dont on pressent une certaine décadence. Les motifs à rayures et à petits motifs répétitifs (komon) font fureur et frappent par leur modernité.
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Les ornements de coiffure, épingles, peignes etc... s'imposent et la coiffure dite "tôrôbin" est adoptée avec enthousiasme. Lors de leurs sorties, les élégantes portaient une coiffe appelée agebôshi maintenue à l'avant par une épingle et doublées de soie rouge.
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Femmes de la bourgeoisie sur le pont de Ryôgoku à Edo, à la mode de l'époque: sobriété des tissus, petits motifs komon, obi longs et imposants, coiffe agebôshi doublée de soie rouge maintenue à l'avant par une épingle en argent avec à une extrémité, un pendentif orné du symbole de leur acteur de kabuki favori.
Derrière elles, une silhouette coiffée d'un chapeau de paille (
sugegasa), habituellement porté dans tout le pays.
(
Utamaro)
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(Collage) Look estival iki pour cet homme qui marche à l'avant: coiffure et tenue très mode avec un kimono et un haori noirs en soie légère associés à un obi hakata rouge vif (harakiri-obi) qui offre un joli contraste mais évoque aussi le ventre ensanglanté lors du suicide par harakiri (seppuku). Une femme porte un simple tenugui sur sa tête et l'autre, plus élégante arbore une coiffure shimada ornée de plusieurs kanzashi (Kiyonaga, 1781-1789).
Les deux femmes suivantes sont des courtisanes. Au milieu de la période d'Edo,
le col noir qui bordait le kimono du dessus était très en vogue auprès des femmes des quartiers populaires (shitamachi). Cette mode va se généraliser jusqu'à devenir le petit détail "chic" de la tenue aussi bien chez les femmes ordinaires que chez les geisha et autres serveuses de maisons de thé.
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Promenade estivale (1783-87). Ombrelles, chapeaux de paille et éventails: les accessoires indispensables de l'été…qui à quelques détails près ont toujours cours de nos jours.
Les
koshi-obi sont bien visibles et maintiennent les kosode relevés pour marcher plus facilement.
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Divertissement hivernal autour d'un brasero en regardant tomber la neige. Une courtisane tend une coupe de sake au client qui semble bien connaître l'étiquette du lieu. À droite, une geisha accompagnée d'un célèbre acteur de kabuki. Les obi n'atteindront jamais plus la largeur en vogue à cette période.
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Scène familiale avec une visite au sanctuaire un 15 novembre et la présentation du dernier enfant aux divinités (ubusuna mairi). Le petit garçon de 5 ans, vêtu d'un hakama, tient la main de sa soeur aînée. Leur mère les suit et porte un volumineux obi noué à l'avant (bunko musubi), comme le veut la dernière mode. Une servante ferme la marche.
Les
kosode sont unis et ornés sur la partie inférieure seulement. Celui de la soeur aînée semble être décoré à l'intérieur et les motifs montent haut sur la bordure du col. Son obi montre des motifs en arabesques, caractéristiques des tissus importés d'Inde (sarasa).
(Kiyonaga)
MOTIFS ET COULEURS DE L'ÉPOQUE
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Vers 1788-89, deux nuances de vert et de bleu devinrent très populaires et connurent un succès immense. Un vert émeraude foncé (kôrainando) lancé par l'acteur de kabuki Matsumoto Kôshirô IV et qui est porté (à droite) par l'acteur Matsumoto V (1764-1838).
Le
kamishimo de couleur bleu turquoise (asainegi) est porté ici par l'acteur Ichikawa Danjurô VIII (1823-54), qui se suicida à l'âge de 31 ans.
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Motif hexagonal répétitif kikô de bon augure associé à une fleur au centre (kikôhanabishi). Évoque les dessins présents sur les carapaces de tortues.
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Petit motif ikat, yagasuri, tissé ou teint. Sur le col, feuilles de chanvre en pointillés, indémodable.
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Motif en damiers ichimatsu orné de symboles de bon augure (takara-tsukushi). Très apprécié des gens du peuple.
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Fines rayures verticales (mille-raies) alternées. En vogue parmi les gens du peuple.
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Rayures verticales (misuji-date): trois fines rayures alternent avec une plus large. Motifs teints (feuilles de chanvre) sur le juban.
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Rayures croisées benkei-jima qui forment un damier.   Dans les pièces de kabuki, le moine guerrier Benkei est immédiatement identifiable.
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Grand succès pour ces rayures croisées (kôraiya-jima) qui connurent leur heure de gloire sur les scènes de kabuki grâce à l'acteur Matsumoto Kôshirô IV (1737-1802).
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Quadrillage formé de trois rayures larges en alternance avec trois rayures plus fines misuji-kôshi, lancé par l'acteur Ichikawa Danjûrô VII.
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Petit motif kasuri (ikat) qui représente l'ancien kanji , pour évoquer la forme des margelles de puits (i no ji kasuri). A commencé à apparaître sur les estampes dans les années 1780, sur les kimonos d'été.
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Obi noir orné du motif répétitif de bon augure (shippô) composé de cercles entrelacés qui fait partie des des modèles anciens classiques. Kosode teint hitta-kanoko pour remplacer les shibori noués.
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Damiers qui alternent carrés unis et carrés évidés en leur centre (kuginuki), pour évoquer la trace d'un clou que l'on a retiré. Motif de bon augure utilisé par les guerriers puis en vogue auprès du peuple.
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Formes triangulaires bicolores qui évoquent les écailles de poisson (uroko). Motif ancien classique symbole de renaissance et qui éloigne le mauvais sort.
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