Ces quelques années sont considérées comme les plus productives dans le domaine artistique. Les grands commanditaires de la culture de cette période étaient le chefs militaires et les grands négociants urbains. Le quartier des tisserands de Nishijin à Kyôto constituait le centre de la production textile. Un goût accentué pour l'individualisme, le style libre, les motifs grandioses et les décors asymétriques caractérisa cette ère qui fut celle des grands décorateurs. Le kosode fut porté par tous dans distinction de classe. Toutefois, cette culture avait aussi ses espaces de dépouillement et d'intimité et à l'inverse du luxe, de mode à l'époque, le goût était très vif pour des arts tranquilles et sobres (cérémonie du thé, théâtre nô, poésie).
観楓図屏風, Admirer les érables en automne (détails), paravent 16e siècle, Kanô Hideyori
Il fallut trouver un substitut à la ceinture du hakama qui permettait jusque-là de maintenir le kosode fermé et en place. Le obi allait remplir ce rôle à la perfection. Il n’était encore qu’une étroite ceinture de quelques centimètres de large. C'est ainsi que la mode féminine s'élabora ainsi peu à peu.
La répartition originale de ces motifs va disparaître au début du 17e siècle pour laisser place à une nouvelle approche: en effet, ceux-ci vont peu à peu se répartir sur toute la surface du vêtement sans être interrompus par les coutures.
La plus grande particularité des costumes de cette époque réside dans l'utilisation des techniques ornementales suivantes:
● tie and dye (nouer, lier, teindre): shibori-zome, une sorte de teinture par réserve grâce à laquelle on obtient une variété infinie de motifs
● surihaku: applications de feuilles d'or et d'argent sur le tissu, fixées à la colle ou au pochoir.
● nuihaku: broderies associées ou non avec des feuilles métalliques.
● tsujiga-hana: technique tinctoriale décorative de la période de Muromachi et devenue populaire au sein de l'élite de la période de Momoyama. Les artisans se seraient inspirés des vêtements aux motifs teints portés par les classes populaires. La technique consistait à reproduire des motifs picturaux peints au pinceau à l'encre (kaki-e). C'est une pigmentation plutôt qu'une teinture: le décor est soit de style hakubyo, symbolisé par ses délicats contours ombrés, soit de style suiboku-ga, aux lignes épaisses ou fines, plus précises. Ces deux styles de peinture étaient aussi employés dans la peinture sur albums, rouleaux et paravents.
Plusieurs procédés peuvent être associés: tie and dye (shibori), applications de coloris, broderies (nuihaku) mais cette technique particulièrement complexe et onéreuse ne dépassera pas le 17e siècle et sera remplacée par d'autres méthodes moins contraignantes.
Ce kosode exceptionnel du 16e siècle fait partie du patrimoine culturel du Japon au titre de bien culturel important.
La largeur de la robe et les manches étroites caractérisent les kosode de cette période.
Modernité dans la répartition des motifs saisonniers brodés (fleurs de prunier, glycines, bambou sous la neige, feuilles d'érable).
Les motifs de ce kosode ornés de broderies et feuilles d'or et d'argent sont disposés en damiers (dan-kawari) et contiennent de nombreux thèmes saisonniers (16e siècle).
Fleurs et herbes, 16e siècle.
Depuis la période de Muromachi jusqu'au début du 17e siècle, les kosode sont portés dans toutes les couches de la société et le commerce de vêtements se développe considérablement.
Détail de paravent, 17e siècle.
"Aux 14e et 15e siècles, le statut socio-juridique des femmes se détériore même si dans la sphère privée, elles réussissent à conserver leurs droits sur les biens mobiliers. Les activités féminines se développent plutôt dans la sphère commerciale et financière (commerce, artisanat, spectacle). Le statut des dames galantes et des filles de joie se détériore. Entre le 12e et le 14e siècle, elles sont organisées en guildes dirigées par des femmes et la prostitution ne semble, à côté du chant, de la danse et du spectacle, que l'une de leurs activités. Passé le 15e siècle, elles passent sous la coupe de patrons et sont alors contraintes à la prostitution, voire vendues à des rabatteurs. Certaines dépendent d'une "maison", d'autres se déplacent d'auberge en auberge et le métier est désormais considéré comme vil". (Nouvelle histoire du Japon)
En 1589, un quartier des plaisirs vit le jour à Kyôto.
Vendeuse de rue en kosode bicolore qui semble peiner et femme âgée avec kosode rapiécé.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Vendeur ambulant de fripes et brocante et femmes vendeuses d'étoffes en tenue de voyage qui pouvaient aussi se livrer à la prostitution.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
À gauche, vendeuses de riz et de haricots secs (mame).
À droite, vendeuse de ouate (wata) et vendeur de gerbes de joncs (dont on faisait les nattes puis les tatami).
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Vendeur de médicaments et vendeuse de fragrances diverses.
De nombreuses guerres ont marqué l'histoire du Japon de la deuxième moitié du 15e siècle au 17e siècle. À cette époque, les guerriers rivalisaient en matière d'habillement pour se distinguer sur le champ de bataille. Les généraux et les daimyô en particulier, portaient un jinbaori, ou veste de bataille, comme ici, en cuir portée au-dessus de l'armure de façon à être était identifié ainsi qu'un casque (kawari kabuto) de forme extravagante et de grande taille qui était plus un point de mire, un casque de reconnaissance que de combat.
Les conflits impitoyables entre grands seigneurs (sengoku-jidai) qui tenaient leur autorité de leur seule force militaire et qui n'avaient pour seule ambition que de régner en maître sur leur territoire se poursuivaient sans fin avec des corps de fantassins toujours plus nombreux. Ce type de guerre aurait pu durer longtemps si en 1543, les armes à feu (arquebuse) n'avaient été introduites fortuitement au Japon par des naufragés portugais. Sur ordre des daimyô locaux, les forgerons eurent tôt fait de les copier avec précision et de les produire en grande quantité. Ces armes nouvelles révolutionnèrent les tactiques guerrières traditionnelles. La simplicité de leur maniement remplaça progressivement l'arc et devint l'arme par excellence des ashigaru.
Dans ce climat de guerre, les armures devaient être efficaces, produites rapidement et réparables tout aussi vite. La recherche en ce sens aboutit à une armure perfectionnée, le tosei-gusoku: casque avec couvre-nuque, mentonnière avec gorgerin, cuirasse, courtes épaulières, jupe braconnière à sept tassettes, tablier d'armes à cuissards, jambières souvent avec genouillères. Désormais, les armures japonaises tendaient à adopter le blindage alors en vigueur en Europe et s'éloignait du style lamellé traditionnel.
Ce général d'armée arbore une armure tosei-gusoku laquée rouge. Le casque est posé sur un coffre de rangement hitsu.
L'utilisation de l'étendard armorié sashimono permettait de différencier les combattants.
Artisans, apprenti et client dans une boutique d'armures.
À droite: éruption volcanique du mont Fuji.
À gauche: jinbaori ayant appartenu à Date Masamune (1567-1636), en feutre rassha violet rehaussé de pois aux 5 couleurs.
À droite: jinbaori en feutre rouge orné d'un énorme rosaire.
est un daimyô de la période Sengoku-jidai et le premier unificateur du Japon.
Il porte l'habit officiel kataginu-bakama (ce terme utilisé jusqu'à l'époque d'Edo sera remplacé par l'appellation kamishimo).
À droite: kosode noshime porté par les guerriers sous le kataginu-bakama, pour des occasions formelles. Le noshime est un kosode à kamon, avec au niveau des hanches une bande rayée ou ornée de petits motifs ikat (kasuri).
Il porte une coiffe rouge, un kosode et un pantalon sashinuki en satin blanc, serré aux chevilles. Par-dessus cet ensemble, un luxueux manteau brocardé (dôbuku), sans oublier un éventail.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Eta (à gauche) et itaka, moine mendiant qui vend de petites tablettes de bois sculptées en forme de stupa sur lesquelles il a inscrit un sutra ou le nom bouddhiste (kaimyô) d'un défunt reçu après sa mort. Les eta (avec les hinin) forment la classe la plus basse de l'échelle sociale. Ils vivaient de petits travaux artisanaux et exerçaient les métiers les plus rebutants: fabrication d'objets en cuir, de sandales de bambou…mais aussi exécution des condamnés à mort, enlèvement des carcasses animales…Ils devaient porter des vêtements unis avec un insigne en fourrure. Tout contact avec les autres classes sociales leur était interdit.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Vendeur de makura (repose-tête) et artisan qui fixe les bordures de tatami.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Marchand de sel et vendeuse de levain pour sake (kôji).
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Acteurs de sarugaku (à gauche) et de dengaku. Ces spectacles de danses, d'acrobaties et de mimes se donnaient sur les estrades des fêtes de sanctuaires shintô et des monastères. Ils sont les ancêtres du théâtre nô.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Lettré en kariginu et samurai en hitatare avec son arc.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
Moine mendiant avec sa flûte shakuhachi dans la ceinture et traducteur (hollandais), fonctionnaire employé comme attaché commercial en service principalement à Nagasaki ou Hirado pendant la période d'Edo.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle (version de 1759).
À droite, moine guerrier (sôhei) des montagnes (yama-hôshi, soldat du temple Enryaku-ji sur le mont Hiei) et moine soldat de Nara (nara-hôshi, moine du Todai-ji et du Kôfuku-ji), (à gauche).
Les Tokugawa divisent la société en 4 groupes: guerriers (6 à10% de la population), agriculteurs (70 à 80%), artisans et marchands (10 à 15%). Les guerriers étant les dominants, les autres les dominés. Les nobles, les moines et les parias ne sont pas intégrés. Les guerriers, même de basse extraction, représentent une forme de noblesse guerrière à côté de l'ancienne noblesse de cour. Ils ont le droit de porter un nom familial, doivent porter les deux sabres à la ceinture et en public doivent toujours apparaître avec un ou deux valets. Leur statut leur donne le droit de tuer sur place tout roturier qui leur manquerait de respect (kirisute gomen).
Le statut des agriculteurs est le plus élevé des classes populaires. On distingue les notables aisés locaux et les paysans sans terre, les domestiques, les journaliers…
Les chônin (10-15%) constituent la population citadine roturière avec les propriétaires d'une boutique ou d'un atelier et les locataires.
"Nouvelle histoire du Japon"