La courte période de Taishô (1912-1926), se situe entre les années Meiji qui ont vu l'ouverture du Japon au monde et les premières années de la période de Shôwa (1926-89) avec sa croissance dynamique et ses années sombres suivies d'une période de reconstruction intense. Elle a pourtant été le symbole d'une tentative de démocratisation au Japon. La majorité des Japonais vivait encore dans des villages et travaillaient la terre ou géraient de petites entreprises sous un gouvernement autoritaire.
Au cours des années Meiji, les styles vestimentaires occidentaux furent adoptés par l'élite japonaise et certaines administrations mais la majorité des femmes continuaient à porter le kimono. En 1862, épouses de l'aristocratie et dames d'honneur furent autorisées à porter des vêtements de leur époque et en 1886, la mode occidentale fut stimulée lorsque l'impératrice Haruko apparut en tenue européenne. Elle encouragera ainsi les femmes japonaises à adopter les styles occidentaux tout en utilisant des matériaux japonais.
Les goûts et les préférences en matière vestimentaire des années Taishô marquèrent profondément la mode des premières décennies de de l'époque suivante (1926-1989). Les motifs traditionnels très en vogue de la fin des années Edo et qui perdurèrent pendant la période de Meiji avaient pratiquement disparu. Les kimonos de composition traditionnelle (motifs recouvrant la totalité du kimono ou le bord inférieur seulement) furent maintenus et devinrent les
furisode et tomesode de nos jours. Cependant, le réalisme et le modernisme des motifs se poursuivirent et s'accentuèrent de plus en plus.

LA TRANSITION
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Conversation entre deux époques: exubérance de la fin du 19e siècle et sobriété moderne du début du 20e siècle.

Au cours des années Meiji (1868-1912), beaucoup d'hommes avaient adopté la tenue occidentale classique que représentait le costume veste et pantalon mais la plupart des femmes portaient toujours le kimono et ce, jusqu'au début de la seconde guerre mondiale.
Le kimono en soie devint alors accessible aux femmes de toutes les classes sociales pour la première fois depuis la période Heian. La concurrence entre les détaillants de vêtements était rude dans le Japon de Meiji. Alors que les classes supérieures achetaient des vêtements occidentaux importés et coûteux, la classe moyenne émergente demandait des kimonos en soie bon marché dans les derniers modèles d'inspiration occidentale. L'industrie du kimono a répondu à cette demande en proposant des kimonos en soie abordables et élégants qui pouvaient être portés au quotidien.
La mode du kimono de la période Meiji était hybride, les femmes (comme les hommes) mélangeant des articles occidentaux tels que des manteaux, des chapeaux et des chaussures en cuir avec le kimono. Ce faisant, elles satisfaisaient à la fois leurs besoins matériels et démontraient leurs tentatives de se moderniser.
À la fin des années Meiji, les kimonos ornés de motifs traditionnels et décoratifs qui recouvraient toute la surface ou se concentraient autour de l'ourlet étaient portés principalement pour des occasions officielles ou des mariages. Peu à peu, les créateurs commencèrent à incorporer des motifs occidentaux sur les kimonos à la mode, portés pour les occasions chic et habillées. Ces kimonos firent fureur et furent rapidement adoptés par les femmes de toutes les classes sociales. Le style Art nouveau tout en courbes gracieuses, lignes sinueuses et motifs floraux séduisit instantanément designers et consommateurs japonais qui appliquèrent ce style original dans de nombreux domaines (mobilier, design graphique, tissus et kimonos). La sobriété des lignes de l'Art déco lui succédera avec autant d'enthousiasme.
Si la structure de base du kimono est restée constante à travers l'histoire, ce sont les motifs appliqués à sa surface qui ont servi d'indicateurs (sexe, âge, classe sociale, rural, urbain, etc…).

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Transmission générationnelle: le 19e siècle (à gauche) à la rencontre du 20e siècle (à droite). Une femme en kimono et coiffée à la mode d'Edo semble songeuse devant de jeunes étudiantes modernes vêtues de leur tenue quotidienne (hakama féminin* rouge et kimono) qui arborent de longs rubans dans leur coiffure. Les couleurs et la taille des motifs des kimonos modernes s'imposent aussi par leur graphisme souvent inspirés des modèles occidentaux.
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Voir Histoire du hakama

L'ÉVOLUTION

LES CLASSES AISÉES

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La mode du kimono se transforma radicalement de la fin du 19e siècle au début du 20e siècle grâce à l'introduction de techniques textiles modernes sous l'impulsion du gouvernement japonais qui encouragea également le développement de la production de soie grège.
Dans ce Japon moderne, les femmes des classes aisées portaient des kimonos en soie, teints à la main selon la technique
yûzen qui utilisait alors des teintures synthétiques européennes. Les motifs étaient représentés dans un mélange composé de motifs occidentaux et de nouvelles interprétations de motifs traditionnels japonais (fleurs, plumes de paons, paysages…).
La soie était le premier produit d'exportation du Japon à l'époque Meiji, et le gouvernement était fortement incité à accroître la consommation à l'intérieur et à l'extérieur du Japon.

LES CLASSES MOYENNES

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Durant la période de Taishô, les kimonos continuaient à être portés par les femmes de la classe moyenne dans les villes et les campagnes. Influence occidentale et tradition japonaise se développèrent en parallèle dans un contexte florissant. Les motifs des kimonos acquirent alors un air moderne: autrefois minuscules et répétitifs, ils furent remplacés par des formes dynamiques (influence du style art déco dans la symétrie et la ligne) et connurent une vogue sans précédent. L'industrialisation et l'occidentalisation rapides du Japon, plutôt que de supprimer le kimono traditionnel, ont servi de catalyseur pour sa préservation.
Dans les années 1920, la mise au point de nouveaux tissus moins coûteux, produits grâce à des méthodes de teinture et de tissage plus rapides, ainsi qu'une distribution et une disponibilité plus larges grâce à la mise en place d'un réseau ferroviaire national, ont offert aux femmes un choix et un style de vêtements plus large que jamais.

LE STYLE MEISEN

Les stylistes créaient de nouveaux kimonos aux couleurs vives et aux motifs audacieux qui plaisaient à la moga ou modern girl décomplexée. Conscients de l'attrait exotique que les vêtements occidentaux exerçaient sur cette nouvelle génération de jeunes femmes urbaines sophistiquées, les créateurs ont reconsidéré le costume traditionnel japonais et ont réussi à le transformer en un vêtement à nouveau attrayant qui plaisait également à ces femmes modernes.

Le kimono
meisen kasuri est le nouveau style de kimono le plus populaire parmi les femmes vivant dans les centres métropolitains urbains en pleine expansion. Cette période historique sans précédent de modernisation rapide et d'occidentalisation du Japon a entraîné des changements sociétaux qui ont transformé de façon spectaculaire et positive la vie des femmes japonaises.
Il était porté comme vêtement de tous les jours, comme uniforme scolaire pour les filles et comme uniforme de travail. Le tissage
meisen est un tissu de soie fabriqué à partir de fils de bourre de soie (ou schappe de soie, mawata) filée puis tissée à la machine et était relativement peu coûteux. Des pochoirs étaient utilisés pour teindre directement le motif, ce qui permit aux créateurs de produire des tissus aux dessins complexes en peu de temps. On commença alors à voir des jeunes femmes de toutes catégories sociales arborer des kimonos aux couleurs flamboyantes ornés de motifs audacieux, ce qui était impensable quelques années auparavant.
Le tissu
meisen ressemblait au taffetas de soie par son drapé un peu rigide et sa surface brillante. En raison de son caractère pratique, de son prix abordable et de sa durabilité, il s'avéra bien adapté aux vêtements de tous les jours.

LE STYLE TAISHÔ ROMAN

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La mode "Taishô-roman" (abréviation pour romantique) vit le jour, influencée par les courants art déco et art nouveau. De plus, la production de soie se généralisa: le style meisen devint très accessible et populaire.
Les kimonos à la mode aux motifs les plus dynamiques et innovateurs sont ceux datant des années 1910 à 1940 et du début de la période Shōwa (1926-1989). Connus au Japon sous le nom de "
Taishō Modo " (terme général utilisé pour la mode du kimono de la période Taishō) et de " Taishō Roman ", ils concernent le prêt-à-porter féminin, informel et quotidien. Portés par des jeunes femmes indépendantes, urbanisées et à l'esprit moderne, ces kimonos reflètent la modernisation (ou l'occidentalisation) du Japon du début au milieu du XXe siècle.

Les créateurs de ces kimonos ont poussé leurs talents à la limite, réinventant les techniques locales tout en incorporant de nouvelles influences. Les grands magasins japonais étaient à l'avant-garde de ce mouvement moderne; lorsqu'ils lançaient leur nouvelle ligne de kimonos au printemps et à l'automne, les jeunes femmes se pressaient dans les rayons pour les acheter. Au fur et à mesure que de nouveaux styles de kimonos apparaissaient, les précédents devenaient rapidement obsolètes et n'étaient plus portés. C'est pour cette raison qu'un si grand nombre de ces kimonos subsistent aujourd'hui.
Après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale et la destruction de nombreux grands centres urbains, le kimono a rapidement été remplacé par des vêtements de style occidental, considérés comme plus abordables et plus adaptés au nouveau style de vie de l'après-guerre. Le kimono a fini par jouer un rôle purement cérémonial ou formel, porté pour la cérémonie du thé, les funérailles et les mariages.

Design à tout prix !
Les motifs imposants disposés sur la surface entière du kimono dans une exubérance de couleurs et de formes (floraux, animaliers, géométriques ou abstraits) lui conféraient une note de liberté, d'individualisme et de modernité. Trois traits principaux sont à noter (les deux premiers étant déjà présents pendant la période de Meiji):
- des motifs japonais traditionnels représentés dans un style occidental
- des motifs occidentaux figurés tels quels, sortis tout droit d'un tableau peint
- des motifs inspirés de thèmes modernes: sport, moyens de transport, architecture ...

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Des artistes comme Takehisa Yumeji (1884-1934) ont incarné à merveille ce nouveau style donnant une image moderne et sexy de la femme des années Taishô et du début des années 30: les coiffures sont modernes, parfois les cheveux sont coupés courts, les kimonos et les haori arborent un design original rappelant les motifs occidentaux.

COIFFURES

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Les coiffures contrastées des deux jeunes femmes de gauche sont caractéristiques de la mode des années 1910. La jeune fille debout est coiffée dans un style japonais traditionnel (hana kanzashi), tandis que sa compagne arbore une coiffure appelée sokuhatsu, dans un style occidental à la Pompadour.
En 1873, le gouvernement proclama qu'il était interdit aux femmes de se couper les cheveux courts et en 1885, des réformateurs japonais fondèrent la
Fujin sokuhatsu-kai, (Association féminine du chignon), qui contestait l'obsession du gouvernement pour les cheveux longs et ce pour trois raisons:
- les coiffures traditionnelles étaient contraignantes et demandaient un savoir faire considérable que les femmes n'étaient pas toutes capables de réaliser seules.
- ces coiffures tout en hauteur et en volume nécessitaient d'avoir une chevelure longue et abondante et en cas contraire, les femmes avaient recours à des subterfuges (perruques partielles, pièces de rembourrage) pour obtenir le résultat espéré.
- l'association dénonçait que ces coiffures démodées étaient malsaines et insalubres. Difficiles et coûteuses à coiffer, les femmes lavaient et peignaient peu leurs cheveux une fois que la coiffure étaient en place. Pour en préserver la forme et leur donner du brillant, elles avaient recours à des huiles épaisses qui contribuaient à l'insalubrité.
Ces pionnières préconisaient un style de coiffure plus simple et encouragèrent les femmes à se passer des styles élaborés,
shimada ou marumage, pour adopter le chignon, la tresse, les enroulements ou le style Pompadour. Des magazines contemporains les soutenaient en publiant des fiches pratiques avec croquis. Les jeunes étudiantes modernes de l'époque ont elles aussi très vite appris et adopté ces nouvelles coiffures.

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Coiffure shimada

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Coiffure marumage

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LES STRATÉGIES COMMERCIALES
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Affiche publicitaire pour le grand magasin Shirokiya

Jusque là, les kimonos étaient vendus par de petites entreprises textiles indépendantes mais la situation était en train de changer et la vente au détail des kimonos fut bientôt aux mains de grands magasins appelés department stores, qui allaient dorénavant jouer un rôle primordial et influencer les tendances vestimentaires d'un public qui ne demandait qu'à être séduit par toutes les nouveautés proposées: en effet, la décennie 1870-1880 se caractérisa par une tendance hyper-réaliste des motifs crées par des designers et des peintres influencés par les courants artistiques occidentaux.
Au début des années 1900, la demande accrue de kimonos en soie stimula l'essor de nouveaux centres textiles dans tout le Japon, et les bons créateurs de kimonos étaient très recherchés.

Dans les années 1910, les grands magasins tels que Mitsukoshi à Tokyo et Daimaru à Osaka, commencèrent à commercialiser des kimonos faits sur mesure. De plus, ils créèrent des sections de design, embauchèrent de jeunes diplômés des écoles d'art qui produisirent des dessins attrayants pour leurs différents produits, ainsi que pour les affiches, les publicités et les emballages.
Les kimonos se partageaient en deux grands groupes selon que les motifs occupaient toute la surface du vêtement ou uniquement le bas. Peu à peu, avec le changement des habitudes, les femmes réclamèrent des kimonos plus faciles à porter au quotidien, lors de leurs sorties et de leurs divertissements.
Le grand magasin Mitsukoshi fut le premier à mettre en vente le style
hômonfuku (qui devint le hômongi): moins voyant que le furisode (kimono de cérémonie à longues manches) et plus élégant que le kimono ordinaire. Le succès fut immédiat et la mode était lancée. A cette époque, aucune terminologie particulière ne lui étant attribuée, des expressions comme «vêtement pour sortir» ou puromunâdo (promenade) étaient couramment utilisées.

Les kimonos audacieux et colorés aux motifs modernes étaient de rigueur pour les jeunes femmes soucieuses de mode. Pour répondre à la demande, le gouvernement encouragea les universités à créer des départements de design et à engager les meilleurs artistes de l'époque pour enseigner les théories de l'art occidental et les mouvements artistiques contemporains. Le concept de design devint un nouveau concept appliqué à tous les métiers traditionnels du Japon (laque, céramique, textiles, etc…).

Dans les années 1920, les designers japonais étaient rompus à l'exercice consistant à absorber, assimiler et appliquer les principes de conception issus des mouvements artistiques occidentaux. Ils ont beaucoup emprunté à tous les grands courants de leur époque: l'expressionnisme allemand, le cubisme, le futurisme, le constructivisme, le Bauhaus, l'art déco et l'avant-garde russe.

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LES MOGA, MODERN GIRLS
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Moga (modern girl) et mobo (modern boy) dans des tenues très modernes (vêtements occidentaux et kimonos au design en vogue) flânent à Ginza, pour voir et être vus (ginbura).

Qui étaient les modern girls, l'équivalent des garçonnes parisiennes ?

La « modern girl » est synonyme de « femme émancipée », un symbole d’occidentalisation, de rébellion contre les idées conventionnelles, les traditions vestimentaires, de coiffure, de comportement. En suivant les modes de vie occidentaux, certaines rejettent le kimono, vêtement traditionnel, et surtout coupent leurs cheveux. Les cheveux courts sont caractéristiques de la « Moga »…
Les femmes cherchaient l’autonomie, souhaitaient se libérer du poids des traditions quant à la façon de s’habiller, d’aimer et de choisir son époux. Elles voulaient s’exprimer librement en tant que membres de la société, en tant qu’êtres humains. Cette tendance, qui a brièvement vu le jour dans les années 1920, se répand dans une époque ultérieure après une période de reflux, car la montée du nationalisme après le coup d’État militaire de 1931 impose un retour à l’idéal de la « bonne épouse, mère avisée » du 19e siècle.
Extrait de "La nouvelle revue du travail".
"La fille moderne (
moga, de modan, moderne, et gaaru de girl) ne fait qu'une brève apparition dans l'histoire du Japon d'avant-guerre. Il s'agit d'une consommatrice de classe moyenne qui, par ses vêtements, sa consommation de tabac et d'alcool, s'affiche sur les terrains de jeux urbains de la fin des années 1920. Bras dessus, bras dessous avec son équivalent masculin, le mobo (modern boy, le garçon moderne), et vêtue de la tenue occidentale des années folles, elle s'adonne au ginbura (flâner à Ginza). Pourtant, en assimilant simplement la jeune fille moderne japonaise à la flapper, nous lui rendons un mauvais service, car la jeune fille moderne ne suivait pas une trajectoire occidentale.
Extrait du magazine Fujin sekai (Le monde des femmes), publié en 1929.

Les dix qualités requises pour être une "moga":
• La force, "ennemie" de la féminité conventionnelle.
• Consommation ostentatoire de nourriture et de boissons occidentales.
• La dévotion pour les disques de jazz, la danse et la consommation de cigarettes Golden Bat dans un porte-cigarettes en métal.
• Connaissance des types d'alcools occidentaux et volonté de flirter pour les obtenir gratuitement.
• Dévotion à la mode de Paris et d'Hollywood telle que vue dans les magazines de mode étrangers.
• Dévotion pour le cinéma
• Intérêt réel ou feint pour les salles de danse afin de montrer sa décadence ostensible aux mobo (garçons modernes).
• Flânerie dans le Ginza tous les samedis et dimanches soirs.
• Mettre des objets en gage pour obtenir l'argent nécessaire à l'achat de nouveaux vêtements pour chaque saison.
• Offrir ses lèvres à tout homme utile, même s'il est chauve ou laid, mais garder sa chasteté car les procès pour "violation de la chasteté" sont démodés.

La nouvelle conscience corporelle de la moga (jeune fille moderne) s'est manifestée par la popularité des bains de mer et du maillot de bain, bien que la première station balnéaire ait été ouverte bien avant l'arrivée de la moga, en 1886 à Ōiso dans la préfecture de Kanagawa, principalement pour servir la communauté étrangère de Yokohama. Au milieu de la période Taishô, les bains de mer sont de plus en plus courants pour les jeunes Tokyoïtes de la classe moyenne. La jeune fille moderne entrait dans un nouveau discours du désir dont le modèle était la culture cinématographique américaine, dynamique, fluide et vitale, et ses vêtements le reflétaient. Certaines parties du corps, qui avaient été si longtemps enveloppées et cachées par le kimono, étaient montrées par la robe moderne: chevilles, poignets, nuques, tailles, hanches, bustes. La forme du corps féminin était mise en valeur par les vêtements plutôt que d'être dissimulées par eux.

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Chez les citadines, l'attrait pour le vêtement occidental et ses modes se poursuivit et le kimono commença peu à peu à être remplacé.

LES COURTISANES
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La période d'apprentissage des jeunes enfants qui étaient placées dès l'âge de 6-8 ans dans une maison de geishas exigeait beaucoup de travail physique, de discipline et de patience. Leurs tâches comprenaient notamment le récurage et le nettoyage, la lessive, les courses pour les geishas entre autres, le port du shamisen des geishas plus âgées et l'aide à l'habillage de ces dernières. À l'âge de 9-10 ans, elles devenaient des shiki-ko résidentes et après plusieurs années de corvées et d'entraînement au divertissement (musique, danse, jeux et arts traditionnels, conversation…), elles devenaient des han-gyoku (demi-gyoku) pouvant être présentées à une clientèle. Elles portaient alors de longs kimonos en soie teints selon la technique yûzen avec le col rouge (aka-eri) du juban bien visible. Elles dansaient et jouaient du tambour mais pas du shamisen. La plupart d'entre elles devenaient geisha à l'âge de 16 ans.

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Geisha confirmées vêtues de luxueux kimonos teints à la main (yûzen) à manches longues (furisode) et coiffées dans un style traditionnel prêtes à accueillir leurs hôtes. A cette époque, le obi se porte très haut, le obiage est bien visible et le col du juban (han-eri) se montre et dépasse largement du kimono.

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Groupe de jeunes apprenties geisha (hangyoku, demi-gyoku), nommées aussi maiko à Kyôto, 1918 Elles étaient également connues sous d'autres appellations (oshaku, aka-eri, han-senkô). Ce nom vient du fait que leur tarif (gyoku-dai) valait la moitié que celui d'une geisha confirmée (gyoku).

PAYSANNES ET OUVRIÈRES

Concernant les femmes et le travail dans les années 1920, il faudrait noter une réalité autre que celle des femmes "à la mode" : celle des paysannes pauvres, des bonnes, des ouvrières opprimées dans les usines modernisées. Il ne faut pas oublier que dans les années 1920, à cause de la grande pauvreté présente dans les campagnes, nombre de femmes ont été obligées de se déplacer dans les grandes villes pour vivre, et faire vivre leur famille en devenant ouvrière ou bonne. "La nouvelle revue du travail"

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Ramassage de coquillages, 1915

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Pas de kimono mais un yama-bakama (ou monpe) plus pratique, 1915

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Séchage des filets, 1915

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Retour de la pêche, 1915

"Parmi les femmes de pêcheurs et de fermiers se développa une certaine sophistication dans l'emploi des textiles. On utilisa d'abord des fibres de chanvre et de raphia et à partir du 15e siècle, du coton. Robes et gilets étaient des vêtements aux lignes simples, du genre kimono. Mais les hommes et les femmes portraient aussi des pantalons facilitant le mouvement. L'indigo restait le colorant le plus répandu et la coloration s'obtenait par teinture directe ou à l'aide d'un pochoir. Le rembourrage et le rapiéçage se pratiquaient à travers tout le pays, notamment sur les côtes de la mer du Japon, tandis que d'autres travaux d'aiguille atteignaient un raffinement extrême au nord (sashiko). Ces vêtements nés de la nécessité sont admirables pour leur décoration spontanée et leurs textures grossières."
La mode au Japon,
Leonard Kohen

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Paletot de fermier composé de diverses pièces de coton teintes à l'indigo et rassemblées par une technique de surpiqûre à petits points apparents (sashiko)

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Pantalon au point sashiko

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Un gilet de fermier avec rabat protecteur. Les boutons sont en os et les pièces de coton teintes à l'indigo. Il s'agit de coton recyclé qu'on a déchiré en lanières, filé, retissé et cousu.

"Les Japonais ont commencé vers le 15e siècle à importer des quantités de coton. Au 19e siècle, on le cultivait un peu partout. Il remplaça le chanvre et autres fibres végétales dans la confection de vêtements ordinaires. Les riches marchands de la ville n'ayant pas le droit de porter de la soie ou des étoffes finement ouvragées, décoraient leurs kimonos en coton de motifs audacieux au pochoir. À la campagne paysans et pêcheurs fabriquaient leurs propres vêtements en coton et les teignaient en bleu foncé (aizome, teinture à l'indigo). L'indigo pousse vite et éloigne les insectes mais sa teinture s'estompe à force de lavage et d'usage. Pour conserver leurs vêtements, les gens de la campagne devaient les reteindre, les rapiécer et les recoudre régulièrement."

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Femme dans un village de pêcheurs avant la 2e guerre mondiale: elle porte un kimono, un sous-kimono, un tablier, un pantalon monpe et un tenugui en guise de foulard.

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Paletot de pêcheur datant du début du 20e siècle. Il se compose de pièces ouatinées assemblées au point sashiko.

Pour en savoir plus sur un monde oublié, voir "La société japonaise des bas-fonds" (1899), Yokoyama Gennosuke
"Analyse très concrète de la condition des pauvres à Tôkyô et en province. L'auteur y explora des milieux inconnus du grand public, visita les gens au métier modeste, les ouvriers du textile, ceux qui travaillaient dans les usines de machines-outils ou encore les fermiers misérables."
Moderne sans être occidental, aux origines du Japon d'aujourd'hui", P.F Souyri

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Émancipation féminine, Takeda Hisa, 1926

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